Si certaines annonces diplomatiques du président François Hollande, lundi, devant les parlementaires, vont dans le bon sens, de nombreux obstacles restent à lever. La France doit s’émanciper de la relation privilégiée avec les pays du Golfe et la Turquie. je vous invite cette excellente analyse, signée Gaël De Santis et parue ce jour dans le journal L’Humanité.

L’Humanité, dans son édition d’aujourd’hui, consacre quasiment l’intégralité de son sommaire aux analyses et commentaires au lendemain des odieux attentats
« La France est en guerre. » : C’est par cette assertion martiale que François Hollande a débuté son discours devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles, lundi. Dans la nuit de dimanche à lundi, une dizaine d’avions Rafale ont bombardé deux points stratégiques de Raqqa, la « capitale syrienne » de l’organisation de l’« État islamique » (EI), qui contrôle à cheval sur la Syrie et l’Irak, 200 000 km². Un nouveau raid a été lancé dans la nuit de lundi à mardi. D’autres devraient suivre. « Nous poursuivrons ces frappes au cours des semaines à venir », a informé le président de la République, qui a demandé au porte-avion Charles-de-Gaulle de se diriger vers la Méditerranée orientale, « ce qui triplera nos capacités d’action ».
La diplomatie française met la charrue avant les bœufs : Ces actions de représailles se font dans le cadre de l’opération Chammal, à la base douteuse du point de vue du droit international. Celle-ci est conduite depuis l’an dernier à la demande de l’État irakien pour lutter contre Daech sur son territoire. La France a élargi l’opération Chammal, à la veille de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, à la Syrie, sans réelle concertation avec les autorités de ce pays. Et surtout, sans mandat de l’Organisation des Nations unies (ONU). Et pour cause : la propension de la diplomatie française de mettre la charrue avant les bœufs, à savoir faire un préalable du départ de la présidence de la République syrienne de Bachar Al Assad, a empêché toute entente avec la Russie, détentrice d’un droit de veto au sein du Conseil de sécurité.
Porter l’affaire devant le Conseil de sécurité des Nations unies : Les annonces faites par Hollande marquent un début de mouvement sur le front diplomatique. Paris entend porter l’affaire devant le Conseil de sécurité des Nations unies. La nouvelle alliance contre Daech pourrait se prévaloir d’un mandat de l’ONU, nécessaire à la légitimer sur le plan du droit international. Deux autres annonces se présentent également sous le signe de la nouveauté. François Hollande devrait rencontrer « dans les prochains jours » son alter ego russe, Vladimir Poutine, qui participerait ainsi à une « coalition unique », alors qu’il était pour le moment exclu de celle dominée par les États-Unis. Les attentats, le discours de François Hollande ont produit leurs effets, puisque, hier, le président russe a invité sa flotte à coordonner ses actions avec celles des Occidentaux.

Les bombes, ne sont efficaces qu’à condition de venir en appui aux actions de forces actives au sol.
Les frappes aérienne sont loin de tout régler: Troisième évolution, pour Paris, le départ de Bachar Al Assad n’est plus un préalable. « Nous cherchons résolument, inlassablement, une solution politique dans laquelle Bachar Al Assad ne peut constituer l’issue, mais notre ennemi, notre ennemi en Syrie, c’est Daech », a prévenu François Hollande. On assiste à un revirement des positions françaises. La porte est donc entrouverte pour avancer vers une solution politique au Proche-Orient, mais elle pourrait bien rester bloquée. Car les chancelleries occidentales, la France au premier chef, continuent de ne pas lever certains obstacles. Sur le plan militaire, les frappes aériennes, qu’elles soient françaises, russes ou états-uniennes, sont loin de tout régler. Ces bombes venues du ciel – outre qu’elles présentent un risque de dommages collatéraux – ne sont efficaces qu’à condition de venir en appui aux actions de forces actives au sol. En ce sens, la conférence de Vienne, samedi, avec notamment la participation de la Syrie, des États-Unis et de la Russie, constitue une avancée en même temps qu’un point d’appui. Une liste d’organisations belligérantes, qui participeront à la coalition, est en train d’être dressée. Elle exclut notamment le Front al-Nosra, branche locale d’al-Qaida que les puissances régionales se refusaient jusqu’alors à mettre hors de la table. Ensuite, elle réintègre dans le jeu les forces de l’armée régulière syrienne. Si l’armée de Bachar Al Assad a été fortement affaiblie, elle reste l’une des seules à pouvoir agir au sol. L’anathème qui la frappait jusqu’alors faisait le jeu de Daech. Reste à voir si une coordination réelle s’établira entre Damas et les autres forces en présence.

le président turc Recep Tayyip Erdogan, fait bombarder à tout-va les zones contrôlées par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) .
Ce sont les Kurdes qui combattent en première ligne: Le mot kurde demeure absent des discours des Occidentaux. Il n’a pas été prononcé, lundi, par le chef d’État. Pourtant, ce sont bien les Kurdes qui, au quotidien, combattent en première ligne. C’est le cas en Rojava (Kurdistan syrien), où ils ont desserré l’étau autour de Kobané ou conquis Hassaké. C’est le cas en Irak, où les Peshmergas ont repris, la semaine dernière, la ville de Sinjar. Les Occidentaux veillent à ne pas troubler leur allié, le président turc Recep Tayyip Erdogan, à la tête de la deuxième armée de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan). Ce dernier craint les velléités autonomistes et démocratiques des Kurdes de son propre pays. Il fait bombarder à tout-va les zones contrôlées par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sur son territoire, mais a aussi opéré des frappes contre les Unités de protection du peuple en Syrie… qui combattent contre Daech. Une lutte efficace contre l’« EI » passe par une pression sur Ankara pour qu’elle change de politique.

Jusqu’alors, les vingt champs pétroliers et les infrastructures d’écoulement ont été étonnamment épargnés par les avions de la coalition internationale.